Quitter pour prendre conscience de l’importance
Pour moi, l’école n’a jamais été chose facile. Au primaire, j’ai débuté avec un an plus jeune que les autres, j’avais beaucoup de difficulté et mes professeurs n’avaient vraiment pas le tour avec moi. Je me suis fais traiter de pâte molle et de «pas bon» car j’avais de la difficulté à comprendre. Mon père était très peu présent dans ma vie et cela jouait sur moi énormément. Vers l’âge de 10 ans, mes parents divorcèrent, c’était pour moi le début de la période rebelle. Dans mon petit village, j’étais considéré comme le mouton noir et je n’aimais pas l’école même que je la haïssais. Chaque année, je passais de peine et de misère. Je haïssais l’école! Puis est venu le secondaire, là j’avais du «fun»! J’ai fait suer plusieurs professeurs, surveillants, membres de direction, chauffeurs d’autobus : plus personne n’avait de contrôle sur moi. Les «chums», les «partys», le premier joint, furent le début de ma descente en enfer! À l’âge de 15 ans, j’ai dû abandonner l’école à cause de problèmes de comportement. Ma mère a toujours dit : «Toi, tu as décroché en maternelle de l’école!». Durant longtemps, j’ai trouvé cette phrase très drôle. À ce moment, je n’avais pas conscience de l’ampleur de la situation, j’étais dans mon univers, à la dérive.
Le côté moins rose d’un travail inadapté à ses besoins
J’avais toujours pensé que l’école ne servait à rien mais à mon arrivée sur le marché du travail, j’ai vite constaté le contraire en travaillant dans les usines, à des salaires très, très, très, très peu payant et aussi peu valorisants. Je me sentais vite comme un moins que rien, un «pas bon» et plusieurs blessures de mon enfance revenaient me hanter. Chaque jour, j’espérais partir en voyage pour ne plus vivre cet enfer! Je ne voyais plus vraiment de route pour sortir de ce cul-de-sac! Ce cul-de-sac où dormait mon talent. Peu à peu, j’en ai pris conscience.
Le retour aux bancs d’école
Un jour, j’ai enfin décidé de retourner à l’école pour améliorer mon sort. J’ai fait mes premières démarches au Centre Régional Intégré de Formation de Granby, pour pouvoir réintégrer le système scolaire. Par la suite, j’ai dû me soumettre à des tests de classement. Je n’avais pas fréquenté l’école depuis déjà presque 7 ans. J’étais du style à faire 3 fautes sur 4 mots. J’ai été reclassé en alphabétisation et durant plus d’un an, je combinais le travail de 50 heures/semaines puis l’école 2 soirs/semaine durant la première année et 4 soirs/semaine par la suite. La vie amoureuse en prenait tout un coup. C’était très difficile! J’ai finalement franchi l’étape3, puis l’étape 4 et ensuite le pré-secondaire. C’était pour moi un défi presque insurmontable, je visais le diplôme de secondaire V mais sans vraiment avoir de choix de carrière prévu.
Les bouleversements
Quelques mois plus tard, ma vie basculait, je me suis retrouvé célibataire, je ne voyais aucun avenir dans mon travail et mes qualités n’étaient pas reconnues, alors j’en suis venu à détester mon travail et à trouver la vie de plus en plus longue jusqu’au jour où mon employeur m’a congédié suite à une différence d’opinion face à mon travail et aux conditions auxquelles j’étais confronté.
Faire le ménage, pour repartir en force
Rendu à ce point, je devais regarder ma vie en face et avec beaucoup d’aide j’ai réussi à faire un bon ménage, à réapprendre à me connaître et à me faire confiance mais aussi à trouver qui j’étais et ce que je voulais dans la vie. Durant environ 1 an, j’ai consulté un travailleur social qui m’a beaucoup aidé à voir clair en moi. Par la suite, j’ai participé à un atelier en orientation au Carrefour Jeunesse Emploi de Saint-Hyacinthe et durant celui-ci, j’ai trouvé la route que je voulais emprunter dans la vie : terminer mes études et devenir un gestionnaire commercial.
D’une peur à une passion
C’est ainsi que j’ai repris les cours suite à quelques mois de répit, au Centre de Formation des Maskoutains, et depuis, mes notes n’ont pas cessé de m’épater. Présentement, je suis en train de terminer le sigle 5143 en français et c’est la première matière que je vais terminer. Je n’en crois pas mes yeux! J’ai passé à travers tous les livres de français, un à un, tout en maintenant une moyenne de 80%, chose que jamais je n’aurais pensé, ni même espérée! Maintenant, j’ai peur de m’ennuyer du français tellement j’ai appris à aimer ça! Moins de 3 mois encore à faire et puis c’est le diplôme de secondaire V que je vais décrocher!
Ma vie : une source d’encouragement pour d’autres
Dernièrement, j’ai participé à un concours dans le cadre de la semaine québécoise des adultes en formation et mon texte a été publié dans ce recueil (Ma plus belle histoire) édité par la Fédération des syndicats de l’enseignement (CSQ). Mon texte (Trouver sa route) porte sur les difficultés de se relever des étapes difficiles de la vie, d’en ressortir gagnant en investissant sur soi-même et en se donnant des outils comme l’éducation, qui permettent de s’épanouir!
La passerelle vers l’avenir!
Je crois sérieusement en l’éducation et que plusieurs problématiques de la société pourraient être évitées si chacun de nous avait la chance de trouver sa route, son but dans la vie et le développer! C’est ainsi que des talents qui dorment pourraient certainement se réveiller! Mais pour en sortir gagnant, il suffit d’y entrer!
Frédéric Fortin, Centre de formation des Maskoutains, 2005